Très souvent sur le web — et au travail, je croise ce type de propos tenus par des professionnels du web :
- Valider le code n’est pas important, du moment que « ça » fonctionne;
- L’accessibilité, c’est du travail supplémentaire;
- Si ça n’est pas vendu, ça nous coûte de l’argent;
- L’accessibilité ? Pour deux péquins par an ?
- Le client n’en veut pas.[1]
Mais même cerné par cet état d’esprit, je me sens concerné et je tends toujours plus vers la qualité et l’accessibilité — seul. J’ai conscience de mon immaturité dans le domaine, mais sans faire les premiers pas et me faire remonter les bretelles de temps en temps, comment apprendrai-je ?
Pré-requis : Cet article étant légèrement impulsif, je tiens à préciser qu’à mon sens l’accessibilité fait partie intégrante de la qualité web — pour limiter les confusions dans mon propos.
Un état des lieux éloquent
Je ne pense pas forcer le trait, tant les remarques précédemment listées sont légions sur les forums comme Alsacréations. Nicolas Hoffmann a lui aussi rédigé sa petite liste d’âneries. De nombreux professionnels reconnus ont réagi à ce sujet il y a un peu moins d’un an, alors que QuentinC relativisait la joie de fêter les 10 ans du forum Alsacréations.[2]
- L’accessibilité, peut-on s’en foutre parce que ça coûte ? — Olivier Nourry
- L’accessibilité, on s’en fout de plus en plus ? — Sophie Drouvroy
- Défaitisme et accessibilité — Stéphane Deschamps
- L’accessibilité, on s’en fout de plus en plus ? Moi, non. — Nicolas Hoffmann
J’en oublie évidemment de nombreux. J’ai cependant la vilaine impression que plus l’auteur est reconnu en tant qu’expert, plus l’impact du discours est réduit en conséquence. J’ai déjà entendu cette remarque :
C’est facile d’aborder l’accessibilité de cette manière quand on est expert et qu’on a les moyens de la mettre en œuvre — mais ça ne peut pas me concerner, moi et mon petit site.
Une approche personnelle
Malgré ce contexte compliqué, je reste intimement persuadé qu’il est possible pour tout professionnel du web de produire un travail accessible et de qualité.
Il suffit de se dire que la qualité web n’est pas une valeur ajoutée mais une valeur intrinsèque. Elle n’est pas optionnelle, mais « de série ». Elle ne constitue pas une ligne supplémentaire sur le devis, dont le client comprendra qu’il peut la faire retirer pour alléger le tarif.
Des pratiques extrêmement simples peuvent considérablement améliorer la qualité et l’accessibilité de vos productions :
- Utilisez des solutions éprouvées, déjà accessibles;
- Documentez votre code de façon complète : citez vos sources, précisez à quoi ça sert, quels éléments contextuels peuvent influer…
- Instaurez des checklists qualités — comme celles proposées par OpQuast ou suggerées par Corinne Schillinger — et faites les premiers pas dans cette démarche qualité;
- Créez vos propres outils et capitalisez dessus : intégrez-y les solutions choisies et les documentations;
- Contre-pillez tous vos projets spécifiques afin de pouvoir recycler chacun de vos travaux spécifiques;
- Partagez vos ressources, mettez-les en commun.[3]
- Demandez conseil à des gens compétents : vous allez être surpris par la bienveillance et la disponibilité de la plupart d’entre eux.[4]
- Apprenez à échanger et instruire de façon constructive et positive : « Les petits ruisseaux font les grandes rivières » — Luc Poupard.
Peut-être pourrais-je trouver d’autres façons d’encore améliorer mon travail — et je suis tout ouï si vous voulez bien m’en suggérer. Mais celles que j’applique actuellement ne sont qu’une question de discipline, et sont donc à la portée de tout un chacun.
« Mon client ne veut pas payer pour de la qualité »
C’est l’argument le plus répandu. Personnellement, je comprends votre client : ça ne devrait pas être payant ! Vous imaginez, vous, débarquer dans un garage et vous entendre dire :
Ha non, si vous voulez une voiture qui roule il faut payer plus…
Bien sûr que non : ça va de soi.
Quand un client paie son site web, il va de soi qu’il doit être de qualité. Il paie des professionnels, tout de même.[5]
— Vous voulez que votre site soit accessible ?
— C’est quoi, accessible ?
— C’est compliqué techniquement (et donc très cher) et ça aide environ deux personnes par an.
Surpris je suis que refusé votre client ai.
Donc chers professionnels du web, confrères, collègues, jeunes et anciens : arrêtez ce délire paranoïaque. Faites votre travail, et faites-le bien.
Même si cela ne vous est pas demandé.
Même si lorsque vous le suggérez, on vous rit au nez.
Même si vous êtes le seul de votre équipe à vous en soucier.
Même si vous ne pensez pas en être capable.
Même si vous savez que personne ne prendra le relais.
Même si vous n’en tirez aucune reconnaissance.
Faites-le
J’en profite pour remercier Muriel de Dona dont l’échange gratifiant sur Twitter a généré cette envie d’écrire — et je fais un peu de publicité supplémentaire pour son travail chez OpQuast (notamment la rédaction du livre « Qualité web » et des fameuses bonnes pratiques). Cette initiative est absolument indispensable et je tiens à signaler les progrès considérables que j’ai fait grâce à eux 🙂
Celle-ci, c’est ma préférée ! ↩︎
Ce qui m’évoque la capacité des gens à se réjouir de l’augmentation des dons aux Restos du Cœur chaque année — oubliant trop facilement que c’est un symbole négatif du besoin croissant et urgent. On se réjouira le jour ou on pourra se passer des Restos du Cœur. Et puisque j’en suis là : allez faire un don sur le site dédiés : dons.restosducoeur.org . Merci à vous ! ↩︎
GitHub est magique : mon a11y.css a beaucoup évolué grâce aux participations de Guillaume Demesy, Xavier Zalawa et Luc Poupard. ↩︎
Petite pensée et gros remerciements pour Johan Ramon, Monique Brunel, Victor Brito, Willy Bahuaud, Julio Potier, Kitty Giraudel — et j’en passe de nombreux. ↩︎
Au lieu de faire travailler le cousin de son neveu après les cours. ↩︎
Magnifique article, merci !
Que penses-tu de la facturation du recettage ?
À mon avis il est indispensable de prendre la recette en compte dans la facture — mais pas nécessairement de la faire apparaître.
Nous le faisons par défaut dans le but de responsabiliser un minimum le client, mais il faut être capable de le justifier et de le faire (ce qui peut s’avérer plus difficile qu’il n’y parait). Il est parfaitement envisageable de l’inclure dans le temps de développement et / ou d’intégration, je pense — au risque de gonfler un chiffrage déjà important.
L’important est de le faire, après tout.
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me répondre.
Bonne journée 🙂
Merci pour cet excellent article (et pour la citation) qui démontre une bonne analyse de la problématique et une belle conscience professionnelle. J’espère que tu garderas cette volonté de bien faire et de progresser même si parfois tu as l’impression de naviguer en solitaire et de te battre contre des courants opposés. Dans ce cas, n’hésite pas à accoster sur les différents ponts où t’attendent ceux qui suivent la même route que toi (équipe Opquast, les responsables qualité et nombreux autres convaincus).
Non, tu n’es pas seul Gaël 🙂
Merci 🙂 J’espère également que ma volonté de progresser ne s’estompera pas !
Effectivement ce commentaire rejoint l’article d’Élie Sloïm sur le blog Temesis, vous êtes sur la même longueur d’ondes — même si personne n’en doutait, je crois !
Bien que mes références en la matière gravitent autour d’un nombre restreint de personnes, d’associations et d’entreprises, c’est agréable de voir qu’on peut intervenir en tant que professionnel lambda facilement : ces cercles ne sont vraiment, vraiment pas fermés. C’est un point à valoriser pour encourager tous les débutants ou seniors aguerris qui n’osent pas encore fait le premier pas !