Je m’étais déjà fait cette réflexion en lisant Webgrids, dans lequel Anne-Sophie Fradier m’apprenait l’origine du mot scroll, qui signifiait simplement l’action de dérouler un parchemin. Mais mes vacances à Jersey m’ont appris bien plus encore.
Le vocabulaire web
À l’instar de scroll, de nombreux termes proviennent du langage courant en anglais :
- framework signifie «coffrage», dans la construction — ce que j’ai appris en visitant un mémorial sur la seconde guerre mondiale, dans lequel était expliqué le labeur des ouvriers qui bâtissaient des murs en bétons à l’aide de «wooden frameworks»;
- web signifie une «toile» (sous-entendu : d’araignée) qui est probablement l’anecdote la plus célèbre du monde;
- tag est un vieux mot pour «étiquette» (l’objet étiquette, mais aussi l’étiquette dans le sens comportemental : la bienséance);
- etc…
Cette liste pourrait continuer très longtemps : j’ai réalisé que — probablement dans un souci de compréhensibilité — les éléments HTML sont tous des représentations d’éléments existants dans le monde réel. C’est ce que nous appelons la sémantique, mais il faut noter qu’aucun terme n’a été créé spécifiquement pour le web : ils ne sont que des métaphores.
Les éléments HTML
On retrouve cette inspiration dans les balises classiques. La plupart tirent leur origine de l’imprimerie traditionnelle et de la mise en page, mais certaines sont plus amusantes :
- Les boutons
radio
inspirés des radios et autoradios; - L’élément
canvas
dont l’origine vient de la tapisserie et de la broderie, ce qui est plutôt rigolo.
Bien qu’amusant, ce sont des choses relativement connues (et évidentes dans l’univers anglophone) mais que j’ai réalisées petit à petit, au fil de ma progression et de mes pérégrinations professionnelles.
Mais il reste un domaine concret moins évident à appréhender et tout aussi inspiré du monde physique.
Les interactions
Vous allez rire, mais c’est en allant aux toilettes dans le camping qui m’hébergeait que la révélation a eu lieu : pour fermer la porte, une simple glissière légendée «Slide». Est-ce que ça vous rappelle quelque chose :D ? J’en ai fait un croquis rapide, en guise d’illustration.
J’ai alors réalisé que cette interaction qui nous a semblé innovante — à nous autres Français — est en fait une interaction tout à fait basique dans le monde anglo-saxon – et c’est de là qu’elle tire son affordance .[1]
D’où ma réflexion : le web est issu du monde anglo-saxon, et la majorité de son écosystème a du sens — pour un anglophone ou quelqu’un baignant dans la culture anglo-saxonne.
Une transposition culturelle ?
Je n’ai pas de conclusion à apporter mais plutôt une suggestion d’ouverture. L’interaction pour déverrouiller un smartphone Apple n’a pas beaucoup de sens pour nous : peut-être qu’une interaction simulant le geste d’utiliser une clef pour fermer une porte à double-tour serait plus évocateur ? Poser deux doigts et dessiner un cercle avec, deux ou trois fois d’affilée : c’est le geste que nous faisons lorsque nous ouvrons une porte. Ainsi au-delà de l’étymologie physique, la sémantique de l’affordance serait un outil vraiment puissant .[2]
**Ça n’est pas nécessairement une bonne idée mais l’importance du contexte dans l’efficacité d’une interface (et à fortiori d’une expérience utilisateur) n’est plus à démontrer : adapter aussi les interactions au contexte culturel est probablement une question à se poser dans certains cas .[3]
Sa capacité à suggérer son utilisation. ↩︎
Cet article rejoint une réflexion antérieure que j’avais intitulée la sémantique de l’interaction : c’est donc un sujet qui m’interroge et me fait avancer. URL de l’article : https://www.ffoodd.fr/semantique-de-l-interaction/ ↩︎
Il est possible que ce sujet ait été théorisé par le passé, auquel cas donnez-moi de lecture via les commentaires :). ↩︎
On en a déjà parlé mais je suis sûr qu’on a plein de chose à découvrir en creusant l’origine du vocabulaire du web. On doit pouvoir trouver beaucoup de matière très visuelle. 🙂